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La récolte des spécimens

En l’espace de 30 ans, le nombre d’espèces décrites à la surface de la planète est passé de 1,5 à 1,9 million d’espèces et les scientifiques estiment qu’il reste encore 80% des espèces à découvrir !

 

Pourquoi ?

Le but premier d’un Parc National est la protection de la nature, or ne peut être protégé que ce qui est connu. C’est pourquoi il est nécessaire de recenser, inventorier et étudier les espèces biologiques constituant la richesse de notre territoire.

La Guadeloupe est un grand réservoir de la biodiversité. C’est dans les forêts tropicales et les fonds marins tropicaux que l’on retrouve le plus d’espèces. Cependant, si les compartiments taxonomiques les plus emblématiques du milieu marin sont bien connus, comme les poissons et les coraux, il n’en va pas de même pour les compartiments du "petit benthos". Le petit benthos, c’est l’ensemble des petits organismes vivant sur les fonds marins, comme les mollusques, les crustacés, les échinodermes et les algues. Ils restent très mal connus, alors même qu’ils sont les plus riches en espèces.

 

Le projet Karubenthos 2012, porté le Parc National de la Guadeloupe (PNG) en collaboration étroite avec une équipe du Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) coutumière de ces opérations, l’Université des Antilles et de la Guyane et l’Université de Paris VI visait donc précisément à combler cette lacune en inventoriant les invertébrés marins et les macroalgues des fonds guadeloupéens. Il s’inscrivait dans un renouveau des inventaires « de nouvelle génération », visant à alimenter les bases de données internationales d’échantillons, d’images, mais aussi de séquences moléculaires. Grâce au projet Karubenthos 2012, le Parc dispose d’un état de référence sur lequel fonder ses actions de conservation et de gestion.

 

 
Comment ?

 

De nombreuses techniques ont été mises en place afin d’échantillonner toutes les niches écologiques des algues et invertébrés marins.

  •   Les pêcheurs à pied : ils échantillonnent algues et invertébrés dans la frange littorale.
  •  Les récolteurs à vue : ce sont des plongeurs qui tels des "cueilleurs-chasseurs", observent les tombants, herbiers et fonds sédimentaires, à la recherche d’espèces fragiles et/ou dispersées dans le milieu.
  •   Les brosseurs-suceurs : les plongeurs utilisent une suceuse pour aspirer le petit macrobenthos réfugié dans les creux et interstices des rochers, mais aussi dans les fonds meubles. Ils nettoient aussi blocs et débris coralliens avec des brosses afin de récolter les petits épibiontes (faune ou flore fixées) et la petite faune vagile (animaux se déplaçant sur le fond).
  •   Les dragueurs et poseurs de nasses : ces techniques permettent d’échantillonner et collecter des espèces non accessibles aux équipes de plongeurs. La drague est utilisée dans les fonds meubles et est déployée jusqu’à 200 m de profondeur. Les nasses appâtées permettent la capture de petits carnivores et charognards.

 

 

Tous les échantillons récoltés étaient acheminés rapidement à l’Université de Pointe-à-Pitre, où un véritable laboratoire de campagne avait été installé pour l’occasion. Une quinzaine de personnes travaillaient quotidiennement au labo. Des personnes se consacraient au tamisage, au tri et à la photo. D’autres effectuaient des prélèvements de tissus sur certains organismes pour pouvoir, plus tard extraire l’ADN des cellules et séquencer un gène présent chez tous les organismes vivants, c’est le barcode moléculaire. Les spécimens ont été mis en alcool à 80% ou séchés en herbiers pour les algues.